Election présidentielle au Libéria : défis, alternance, et transition politique

Des supports de George Weah fêtant son élection à la Présidence du pays (28/12/17)

George Weah, ancienne star du football ayant remporté le Ballon d’or en 1995, a aujourd’hui été élu Président de la République du Libéria. Alors que le deuxième tour des élections avait été retardé suite à un recours déposé à la Cour Suprême par deux candidats contestant les résultats du premier tour, le deuxième tour s’est finalement déroulé mardi 26 Décembre, et ce dans conditions jugées très bonnes par les observateurs internationaux. Au terme du scrutin, M. Weah a recueilli 61,5% des suffrages, face à 38,5% pour son adversaire Joseph Boakai, vice-président sortant.

La victoire de M. Weah a provoqué l’euphorie dans le pays, les rues de la capitale ayant été submergées par l’émotion. La fulgurante ascension sociale de George Weah, issu de la communauté kru et originaire des bidonvilles de Monrovia, la capitale du pays, inspire confiance au sein de la population. En effet, ses partisans jugent que sa fortune actuelle, amassée grâce à sa carrière dans le football, le protège de la corruption, et que ses origines modestes le pousseront à véritablement améliorer la situation du pays.

C’est la première fois que le Libéria sera dirigé par une personne aux origines telles que George Weah. Première République africaine, fondée en 1822 sous l'impulsion des États-Unis pour abriter le retour à la terre-mère d'esclaves noirs affranchis, le Libéria avait, dès le départ, été dominé par les descendants d’esclave, qui avaient soumis le reste de la population autochtone, largement majoritaire, au travail forcé. Suite à un putsch mené en 1980 par le sergent Samuel Doe, le pays avait ensuite sombré dans une guerre civile de quatorze ans qui a ravagé le pays, et dont le bilan s’élevait à plus de 200 000 morts et au déplacement de la moitié des 4 millions d’habitants du pays.

Le nouveau Président fait face à deux défis principaux. D’abord, assurer le développement économique de son pays. Ainsi qu’il le confiait au Point Afrique en Septembre 2017, « le Libéria est un pays riche, mais ses citoyens sont pauvres ». Les statistiques ne démentent pas son constat. Un rapport de la Banque africaine de développement dresse, ainsi, un tableau sombre de la situation du Liberia : 64 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 78 % de la main-d’œuvre travaille sans salaire garanti, 62 % des 15-24 ans n’ont pas achevé leurs études primaires, et 31 % des Libériens souffrent de sous-nutrition. Pour améliorer la situation des habitants, M. Weah table sur quatre domaines en particulier : enrayer la corruption endémique du pays, rendre l’école gratuite, et développer l’infrastructure du pays et les services de santé.

Le deuxième défi auquel le Président devra faire face est celui de la paix. Car si cela fait certes quatorze ans que la guerre civile s’est achevée, la paix demeure, elle, fragile, ainsi que le confessait en 2016 El Ghassim Wane, sous-Secrétaire Général aux opérations de maintien de la paix à l’ONU. La prochaine passation de pouvoir, programmée pour le 22 janvier 2018, sera la première fois en 70 ans qu'un gouvernement libérien démocratiquement élu passe le pouvoir à un autre gouvernement légitimement élu. Le bon déroulement de ce processus délicat n’est, en ce sens, pas garanti d’avance. Toutefois, après douze ans passés à la tête du pays, la Présidente Sirleaf, première femme Présidente en Afrique, et co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2011, semble bien disposée à se retirer de ses fonctions, comme l’y oblige la Constitution qui limite le nombre de mandats à deux. Sa signature d’un décret établissant une « équipe de transition » pour organiser un « transfert ordonné du pouvoir » témoigne, en effet, de sa volonté d’assurer une passation de pouvoir exemplaire, et de son respect des normes démocratiques.