Elections du 29 novembre 2015 au Burkina Faso : Le rapport de la mission d’observation de l’Union africaine

AFRICAN UNION                                                             UNION AFRICAINE 
                                                                                              UNIÂO AFRICANA

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MISSION D'OBSERVATION DE L'UNION AFRICAINE
POUR LES ELECTIONS PRESIDENTIELLE ET LEGISLATIVES
DU 29 NOVEMBRE 2015

AU BURKINA FASO


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   1.           INTRODUCTION


Sur invitation du Gouvernement du Burkina Faso, la Présidente de la Commission de
l'Union africaine (UA), Son Excellence Dr Nkosazana Dlamini Zuma, a décidé de déployer une Mission d'Observation Electorale (MOEUA) de 55 observateurs, à l'occasion des élections présidentielle et législatives du 29 novembre 2015,conformément à la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (2007), à la Déclaration de l'OUA/UA sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique (2002), au Mécanisme africain d'évaluation par les
pairs, au Protocole A/S01/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion,
de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, d'autres instruments
internationaux pertinents régissant l'observation électorale, la Constitution et le cadre
juridique régissant les élections présidentielle et législatives au Burkina Faso.

La Mission est conduite par Son Excellence Jean-Omer Beriziky, ancien Premier Ministre de la République de Madagascar. La MOEUA est composée de Représentants Permanents d'Etats Membres auprès de l'UA à Addis Ababa, de parlementaires panafricains, de responsables d'organes de gestion des élections et des membres d'organisations de la société civile africaine. Les observateurs viennent de 26 pays du continent".

Cette déclaration qui sera suivi d'un rapport final plus détaillé, présente les constats préliminaires de la MOEUAsur le déroulement des opérations de vote et de dépouillement des voix. La Mission continuera à suivre les développements post- électoraux et publiera au moment opportun son appréciation générale sur l'ensemble du processus électoral au Burkina Faso.

l Afrique du Sud, Algérie, Bénin, Cap Vert, Cameroun, Comores, Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire, Ethiopie, Gabon, Guinée, Ile Maurice, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Sénégal, Togo, Tunisie et Uganda.

 

 


II.         OBJECTIFS ET METHODOLOGIE DE LA MISSION

Conformément au mandat qui lui est conféré aux termes des instruments de l'UA régissant les élections démocratiques en Afrique, la MOEUA a pour objectif principal l'évaluation indépendante, impartiale et objective des élections présidentielle et législatives du 29 Novembre 2015 au Burkina Faso. La méthodologie suivie pour ce scrutin est celui de l'observation de courte durée.

La Mission s'est concertée avec les principales parties prenantes notamment: la majorité des candidats à l'élection présidentielle ou leurs représentants, les autorités gouvernementales, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), et de la société civile. La Mission s'est également concertée avec les représentants du Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest. Elle a également pu rencontrer d'autres missions internationales d'observation électorale présente dans le pays notamment, la Mission d'Observation électorale de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la Mission d'Information et de Contact de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), la Mission d'Observation électorale de la Communauté des États Sahélo-sahariens (Cen-Sad) et la Mission  d'observation électorale de l'Union Européenne (MOEUE). La Mission poursuivra ses rencontres avec les parties prenantes jusqu'à son départ du pays. Afin de préparer les observateurs au déploiement, la MOEUA a organisé une session d'information et d'orientation qui a eu lieu les 25 et 26 Novembre. Cette préparation s'est présentée en deux volets: dans un premier lieu, les observateurs ont été sensibilisés au contexte politique et électoral du pays notamment à travers les échanges qu'ils ont eu avec les représentants des candidats, les organisations de la société civile, la CENI et le Ministère de l'Intérieur. En second lieu, les observateurs ont eu une remise à niveau sur la méthodologie de l'observation électorale et l'utilisation des tablettes tactiles qui permettent une remontée rapide des informations le jour du scrutin.

Les 30 équipes de la MOEUA ont été déployées le 27 Novembre 2015 dans 38 des 45 provinces du pays. Les observateurs ont pu assister à la fin de la campagne électorale à Ouagadougou, lors de leur séjour dans la capitale et dans leur zone de responsabilité une fois déployés. Ces équipes ont pu visiter 451 bureaux le jour de vote.

Cette déclaration préliminaire s'appuie sur les comptes rendus des observateurs de courte durée qui étaient déployés dans toutes les régions du pays et qui ont pu observer l'ouverture, le déroulement du vote et le dépouillement des voix.

 

            III.        CONSTATS DE LA MOEUA

Au regard de ses concertations et observations, la MOEUA présente les constats  suivants:


A. Contexte politique des élections présidentielle et législatives de 2015

Premiers scrutins ouverts et compétitifs depuis des décennies au Burkina Faso, les  élections du 29 novembre 2015 marquent la fin de la Transition, ouverte en novembre 2014, avec la démission de l'ex-président Blaise Compaoré, à la suite de l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Ces élections se sont déroulées dans un contexte de paix marqué par la maturité des acteurs politiques et de la population burkinabè.

La Transition burkinabè n'a pas été facile. Les autorités de Transition et les acteurs de ce pays ont fait preuve d'une grande retenue et de sens de responsabilité pour surmonter les défis, nombreux du reste, auxquels la Transition a dû faire face tout au long de son déroulement.

Afin de prévènir d'autres évènements qui risqueraient de fragiliser la stabilité du pays, une mission de médiation dirigée par les Présidents sénégalais et béninois, Macky Sali et Boni Yayi, médiateurs de la CEDEAO pour le Burkina Faso, sont venus à Ouagadougou le 18 septembre 2015 pour trouver une solution à la crise due au coup d'Etat du 16 Septembre 2015. Cela a permis de fixer une date pour les élections prévues initialement le 11 octobre 2015.


B. Cadre juridique des élections de 2015

Les élections couplées du 29 novembre 2015 sont régies par trois principaux textes juridiques que sont la Constitution nationale du 2 juin 1991, la loi n° 014-2001/AN du 03 juillet 2001, portant Code électoral, modifiée par la loi n° 005-2015/CNT du 07 avril 2015 promulguée par décret n02015-427/PRES-TRANS du 09 avril 2015 et la Charte de la transition adoptée le 14 novembre 2014.

La Constitution reconnait à tout citoyen burkinabè les libertés civiles, notamment les libertés d'expression, d'opinion, de réunion, d'association, et de mouvement, ainsi que les droits politiques qui sous-tendent la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. La loi fondamentale, en son article premier, consacre le principe de non-discrimination, l'un des principes sur lesquels repose l'exercice des droits et devoirs fondamentaux des citoyens burkinabè des deux sexes, de toute région, de toute religion et de toute opinion politique. La Constitution, en son article 13, reconnait également aux partis et formations politiques le droit de concourir à l'expression du suffrage.

La MOEUA a été informée des modifications qui ont été apportées à la loi n0014- 2001/AN portant code électoral modifié par la loi n° 005-2015/CNT du 07 avril 2015.

lncarnant l'unité nationale, le Président de la République est élu au scrutin majoritaire à deux tours pour un mandat de cinq ans. Elu au suffrage universel direct, égal et secret, le Président n'est rééligible qu'une seule fois conformément au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels consacrés. par la Constitution.

Les membres de l'Assemblée nationale sont élus au scrutin de liste nationale ou provinciale, à la représentation proportionnelle avec répartition complémentaire suivant la règle du plus fort reste. Au même titre que le Président de la République, les 127 députés sont élus au suffrage universel direct, égal et secret, pour cinq ans. 

Les députés sont élus à raison de 16 sur les listes nationales et 111 sur les listes provinciales. Le mode de scrutin pour les élections législatives est de nature à favoriser une plus grande proximité entre les représentants élus et les populations locales.

Au vu des textes régissant les élections couplées au Burkina Faso, la MOEUA note
que le cadre juridique répond, dans son ensemble, aux exigences des standards
continentaux et internationaux.

C. Administration électorale(c)

La loi n° 019-2009/ AN du 07 mai 2009 a créé la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui a la charge principale d'organiser et de superviser les élections et les référendums mais également d'élaborer et de gérer le fichier électoral. Elle jouit d'une autonomie d'organisation et de fonctionnement.

La CENI est composée de 15 membres issus des partis et formations politiques, ainsi que de la société civile. La MOEUA a noté la représentation paritaire des différentes composantes de cette institution. Constitué de cinq membres, le bureau permanent est sous la direction d'un Président choisi parmi les organisations de la société civile. Les membres de la CENI sont nommés par décision ministérielle pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois.

La CENI est dotée d'une administration permanente placée sous l'autorité du Président de l'institution et dirigée par un Secrétaire Général. En vue de garantir son bon fonctionnement, la CENI a des démembrements au niveau provincial (Commission Electorale Provinciale Indépendante), communal (Commission Electorale Communale Indépendante), et arrondissement (Commission Electorale Indépendante d'Arrondissement). Le mandat des membres des démembrements prend fin avec la proclamation des résultats définitifs de leurs circonscriptions électorales respectives. La loi modifiée portant Code électoral, en son article 17, permet la création des démembrements à l'extérieur du pays dans le cadre de la reconnaissance du droit de vote des Burkinabè vivant à l'étranger. C'est ainsi qu'a été mise en place la Commission électorale indépendante d'ambassade (CEIAM) et la Commission électorale indépendante de consulat (CEIC), même si les Burkinabè de l'étranger n'ont pas participé aux scrutins de cette année.

La MOEUA a noté, qu'en dépit des dynamiques sociopolitiques prévalant au Burkina Faso, l'indépendance de la CENI, fait dans l'ensemble, l'objet d'un large consensus entre acteurs politiques. La MOEUA se réjouit de la confiance desdits acteurs en l'administration électorale et en sa capacité à pleinement jouer son rôle d'arbitre impartial et neutre.

D. Enregistrement des électeurs

Conformément à l'article 38 de la Constitution, tout citoyen burkinabè âgé de dix-huit (18) ans révolus à la date du scrutin est en droit de s'inscrire comme électeur sur la base d'un acte de naissance, d'un jugement supplétif d'acte de naissance ou de la carte nationale d'identité biométrique. Cependant les personnes ayant été condamnées pour crime, en état de contumace, les majeurs incapables ainsi que les individus ayant été déchus de leurs droits civiques et politiques ne sont pas autorisés à prendre part au vote (Article 44 du code électoral).

Le corps électoral burkinabè est recensé dans le fichier national permanent qui est constitué de l'ensemble des listes électorales provinciales ainsi que de celles des Burkinabè résidant à l'étranger (Article 47 du code électoral). La CENI a établi les listes électorales et a mené l'ensemble des opérations s'y rattachant notamment le recensement biométrique.

Les listes font l'objet d'une révision annuelle, cependant le contexte de transition a justifié la nécessité de procéder à une révision exceptionnelle qui a eu lieu du 3 mars au 18 mai 2015. De plus, la CENI a usé de son droit qui lui est conféré par l'article 59 du Code électoral pour prolonger la période d'inscription (pour les personnes concernées par cet article), jusqu'au 26 août 2015, pour s'assurer que chaque citoyen puisse jouir de ses droits à l'occasion de ces élections historiques. Les listes pour les élections du 29 novembre 2015 ont été publiées le 9 août 2015. Suite au report de la date des élections initialement prévues le 11 Octobre 2015, des listes électorales complémentaires ont été publiées le 22 octobre 2015.

A l'issue des opérations de révision et après expiration des délais de recours, le corps électoral burkinabè pour les élections de novembre 2015 se présente comme suit:

  • Nombre total d'inscrits: 5.517.015
    • Hommes: 2.889. 255
    • Femmes: 2.596. 431 

 

E. Campagne électorale

Les articles 137 et 186 du Code électoral fixent la durée légale de la période de campagne pour les élections présidentielle et législatives qui se tiennent respectivement 21 jours et 15 jours avant la date du scrutin. La campagne pour l'élection présidentielle a commencé le 08 novembre 2015, tandis que celle pour les législatives a été ouverte le 15 novembre 2015.

Le Pacte de bonne conduite des parties prenantes aux élections présidentielle etlégislatives, adopté le 2 juin 2015, sous l'égide du Conseil Supérieur de la Communication, en vue de réguler les activités des partis est une démarche exemplaire. Ce Code proscrit notamment toute incitation, appel ou recours à la violence.

Dans une démarche visant à équilibrer les moyens dont disposent les différents candidats et partis politiques, l'article 68 du Code électoral interdit la distribution d'offrandes publicitaires telles que les tissus, t-shirt, porte-clés, calendriers et autres objets à l'effigie des candidats ou symbole des partis ainsi que leur port et leur usage quatre-vingt-dix jours avant le scrutin et jusqu'à son terme. Cependant, la MOEUA a observé que cette interdiction n'a pas été respectée par certains partisans de candidats à la présidence qui se sont vêtus de leurs couleurs et effigie à la veille du scrutin.

Par ailleurs, l'Etat, par la loi n 0 008-2009/AN du 14 avril 2009 prévoit le financement des coûts de campagne électorale ainsi que le financement public des activités des partis et formations politiques hors campagne électorale.

Le Ministère de l'Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité repartit cette contribution de manière égale entre les candidats à l'élection présidentielle dans des conditions définies par un décret pris en Conseil des ministres. En ce qui concerne les élections législatives, la répartition de cette contribution de l'Etat se fait au prorata du nombre de candidats présentés par les partis ou formations aux élections.

La MOEUA note que cette contribution n'est pas soumise à un quota qui obligerait les partis politiques à présenter des candidates et aussi de jeunes candidats afin d'intégrer davantage cette catégorie de citoyens dans les affaires politiques du pays. L'allocation est prévue sous réserve que les partis sont à jour par rapport à leurs obligations statuaires et fonctionnent régulièrement (Article 8).

Bien que des efforts réels aient été fournis pour assurer un équilibre entre les partis et les candidats pour battre campagne et pour leur permettre de diffuser leurs messages et programmes, la MOEUA a observé une disparité dans les moyens à travers la répartition des affiches ou encore les meetings politiques.

Selon les échanges que la MOEUA a eu avec les différents candidats à la présidentielle et leurs représentants, la campagne électorale s'est déroulée sans incident majeur et n'a fait l'objet d'aucune plainte. La MOEUA salue l'atmosphère paisible dans laquelle s'est déroulée la campagne électorale.

F. Implication de la société civile

La société civile a joué un rôle capital dans la transition en cours au Burkina Faso. La MOEUA salue les efforts de la société civile dont l'engagement n'a pas désempli dans le cadre des élections couplées de 2015. Des initiatives ont été prises par les organisations de la société civile burkinabè en vue de poursuivre leur accompagnement du processus électoral.

La Mission a ainsi été informée de la mise en place de la Convention des Organisations de la Société Civile pour l'Observation Domestique des Elections (CODEL), un regroupement d'organisations de la société civile qui se sont constituées en une plateforme pour assurer le suivi du processus électoral.

La MOEUA a également été informée, que la CODEL a établi une cellule de veille, dont les données transmises à temps réel àla CENI, devraient permettre à l'organe de gestion des élections de corriger tout manquement constaté à travers ce système d'alerte précoce. La MOEUA salue la collaboration entre la CENI et la CODEL, ainsi que la volonté de ces deux structures de contribuer à la crédibilité de ces élections.

IV.       OBSERVATIONS DU JOUR DU SCRUTIN PAR LA MOEUA

L'évaluation du jour du scrutin est basée sur les comptes rendus des équipes d'observateurs qui étaient déployées dans toutes les régions du pays. Les trente équipes de la MOEUA ont pu observer les élections dans 451 bureaux de votes.

La MOEUA a observé les points suivants:

A. Ouverture des bureaux de vote

Dans tous les bureaux de votes visités, l'atmosphère à l'ouverture était calme avec une présence de sécurité discrète. Dans 85,7%, les bureaux de votes ont ouvert à l'heure. Le retard de certains bureaux de vote était lié principalement au personnel électoral qui n'avait pas aménagé le bureau à l'heure fixée ou encore au matériel électoral manquant. Ces quelques cas, ont entrainé un retard qui ne dépassait pas quinze (15) minutes.

B. La participation électorale

Malgré l'enjeu important de ces élections, la MOEAU a observé un faible engouement d'électeurs dans les lieux qu'elle a couvert. En effet, dans 39.7% des cas, les observateurs n'ont pas vus de file d'attente. Les observateurs ont également relevé le faible nombre de personnes ayant voté par rapport aux inscrits lors de leur passage dans les différents bureaux de votes. La MOEUA note cependant que cette impression peut être liée au nombre réduit d'électeurs inscrit par bureau de vote, impactant ainsi sur la visibilité de l'affluence des électeurs dans les centres et bureaux de vote.

c. Déroulement du scrutin

La MOEUA salue les efforts déployés par les agents électoraux pour assurer que le processus soit conduit en conformité avec la loi électorale et les directives données par la CENI.

Cependant, la MOEUA a noté la difficulté des électeurs à s'orienter dans les centres de votes en raison de l'absence de listes ou de personnel à l'extérieur des bureaux de vote. Dans 6.6% des bureaux de vote visités, le vote a été refusé à l'électeur. Parmi les raisons, la MOEUA a noté les suivantes: l'électeur ne se trouvait pas dans le bon bureau de vote: 25.9%, le nom de l'électeur ne figurait pas sur la liste électorale: 48.1 %, sa qualité d'électeur était contestée: 11.1 %, la personne n'était pas inscrite: 7.4% et enfin il n'avait pas l'une des pièces d'identité requises pour voter: 7.4%.

D. Bulletins de vote et matériel électoral

La MOEUA a noté que le matériel électoral était en quantité suffisante dans 95.6% des cas. Parmi le matériel qui manquait, la MOEUA a relevé: les procès-verbaux, l'encre indélébile, les isoloirs, les scellés, le cachet de vote, la lampe et l'encre pour les électeurs analphabètes.

Une moyenne de 4.8% de bulletins de vote détériorés par bureau de vote a été relevée lors du dépouillement. Parmi ces cas, l'encre utilisé pour les électeurs analphabètes a tâché la case de plusieurs candidats. La MOEUA n'est pas en mesure d'apprécier l'ampleur de ce phénomène cependant elle recommande à l'avenir l'utilisation d'une encre qui sèche plus rapidement afin d'éviter une invalidation trop conséquente de voix.

E. Secret du vote

La MOEUA a noté que dans 95.4% des cas le secret de vote était garanti. Dans quelques cas, l'isoloir mal positionné pouvait compromettre le secret du vote.

F. Le personnel électoral

Hormis un cas isolé, la quasi-totalité des bureaux de vote visités par la MOEUA, avait un personnel électoral au complet, soit cinq (5) membres par bureau de vote. La MOEUA note avec satisfaction la compétence globale des membres du personnel électoral qui se sont acquittés de leurs tâches de manière maîtrisée et professionnelle.

G. La participation des femmes

La MOEUA a observé que dans la composition des membres des bureaux de vote, la moitié était des femmes. En effet, la MOEUA a retenu une moyenne de 2,3% de femmes comme membres par bureau de vote visité. Cependant parmi les observateurs nationaux et délégués des partis et candidats, elles étaient sous- représentées avec une représentativité de 25% et 22% respectivement.

H. Accès aux électeurs

La MOEUA a observé que 7.9% des bureaux de vote visités n'étaient pas accessibles aux personnes vivant avec un handicap en raison de marches importantes pour accéder dans le bureau de vote. Toutefois, un grand nombre de bureaux votes possédait de rampes pour leur faciliter l'accès. Par ailleurs la MOEUA a noté que la priorité a été donnée aux personnes âgées, aux personnes vivant avec un handicap ou aux femmes enceintes dans seulement 66,9% des cas observés. 

Enfin, lorsqu'une assistance était requise par les électeurs, dans 63.7% des cas les membres des bureaux de votes les assistaient et dans 47,3% des cas l'électeur désignait une personne de son choix.

La MOEUA recommande la mise en place de meilleures dispositions pour encourager et permettre à ces personnes de prendre part au vote dans les mêmes conditions que le reste des électeurs.

I. Les délégués des partis et observateurs citoyens

La MOEUA a noté une disparité importante entre candidats et partis dans leur capacité à assurer une présence dans les bureaux de vote par l'intermédiaire de délégués. En effet, parmi les candidats à la présidentielle, Roch Marc Christian Kaboré a assuré une représentation dans 95.4% des bureaux de vote, Zéphirin Diabré dans 84.8% et enfin Bénéwendé Sankara dans 22.1 %. Les représentants des autres candidats ont été rencontrés par la MOEUA dans moins de 6% des bureaux de vote visités. La MOEUA reconnait l'importance du rôle des délégués des candidats et des partis dans le consentement du résultat de vote par les partis, candidats et citoyens et pour ce, elle encourage cette présence.

Dans 97.8% des cas, les délégués des partis et observateurs étaient en mesure de s'acquitter de leurs tâches. Dans quelques cas isolés en raison de la taille du bureau de vote, les délégués se voyaient obligés d'observer par la fenêtre.

La MOEUA a noté la présence d'observateurs citoyens dans les bureaux de vote, en moyenne il y avait 1.2 observateurs citoyen par bureau de vote visité. Parmi les groupes présents la MOEUA a noté entre autres la Convention des Organisations de la Société Civile pour l'Observation Domestique des Elections (CODEL), la mission catholique, éveil club djibo, la Coalition des femmes et du développement, ICODE, la commission justice et paix. La MOEUA félicite la société civile burkinabè pour les efforts qu'elle a déployé en appui à une appropriation du processus électoral par les citoyens burkinabè.

J. Les agents de sécuri

La MOEUA a témoigné du professionnalisme et du rôle important qu'ont joué les agents de sécurité dans ce processus. Toutefois tout au long de la journée, dans près de 11 % des cas, les observateurs ont constatés la présence d'agents de sécurité armés à l'intérieur du bureau de vote pendant les opérations de vote. Bien que cette présence ait été observée, dans la plupart des cas comme discrète, à l'ouverture et à la fermeture, la MOEUA recommande que la présence d'agents de sécurité soit limitée à l'extérieur du bureau de vote afin de ne pas intimider les électeurs pendant qu'ils font leurs choix et d'être en conformité avec les normes internationales de bonne conduite des élections.

K. Fermeture et dépouillement

Dans les bureaux de vote où la MOEUA était présente, l'heure de fermeture a été respectée dans la plupart des cas, tout en garantissant le droit aux électeurs encore dans les files d'attente de voter. Seuls deux (2) bureaux de vote ont fermés avec un retard de plus d'une heure lié à l'arrivée tardive des scrutateurs désignés par le président du bureau de vote.

La MOEUA note avec satisfaction le dispositif mis en place, consistant à identifier deux scrutateurs parmi les électeurs du bureaux de vote afin qu'ils prennent part au processus de dépouillement. Cette démarche dénote d'une volonté de rendre cette procédure publique encore plus transparente.

Dans 32% des bureaux de votes visités, l'éclairage au moment du dépouillement était insuffisant, cependant cela n'a pas affecté ou retardé le dépouillement. Il convient de noter également la prudence et la rigeur des scrutateurs dans le décompte des voix.

Bien que l'ensemble des procédures de dépouillement s'est faite en conformité avec les instructions données par la CENI,  les résultats n'ont pas été affichés publiquement dans le bureau de vote de manière systématique.

 

v. CONCLUSIONS

Les élections présidentielles et législatives au Burkina Faso du 29 novembre se sont déroulées dans des conditions de transparence et de régularité conformes aux normes africaines et internationales, en dépit de petites difficultés notées ça et là et dont la résolution progressive contribuera à l'approfondissement du processus démocratique.

Le climat de sérénité et de paix dans lequel les élections se sont tenues est à mettre au crédit du peuple, des acteurs politiques et des autorités de la Transition, qui ont su puiser dans les ressorts du génie propre à leur pays pour surmonter les multiples défis auxquels la Transition a été confrontée.

Les élections du 29 novembre ouvrent une nouvelle page dans l'histoire du Burkina Faso. L'Union africaine exprime toute sa fierté et son appréciation aux autorités de Transition, notamment le Président Michel Kafando et au Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, pour leur profond sens des responsabilités et la patience avec lesquels ils ont mené à son terme la Transition dans leur pays.

La MOEAU renouvelle la disponibilité de l'UA à poursuivre, en étroite coopération avec
la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), les Nations unies et l'ensemble des partenaires bilatéraux et multilatéraux ses efforts d'accompagnement et de soutien pour le parachèvement du processus de Transition et, à plus long terme, en faveur de l'approfondissement de la démocratie et de l'Etat de droit dans leur pays.

La Mission voudrait toutefois formuler les recommandations suivantes:


RECOMMANDATIONS

Au Gouvernement

• Poursuivre le dialogue entre les partis politiques et la société civile;

  • Assurer la continuité d'un dialogue permanent entre les différentes institutions
    notamment la CENI et le Conseil Constitutionnel, et ce en vue de renforcer la coordination et améliorer la division du travail dans le processus électoral;

• Tout mettre en œuvre pour une politique inclusive;

 


A la CENI

  • Continuer à adopter des dispositifs de transparence qui mettent en confiance l'ensemble des acteurs prenant part à ce processus;
    • Renforcer ses capacités techniques, logistiques et humaines dans le but
      d'améliorer les futures élections;
    • Veiller à une présence discrète des agents de sécurité qui soit limité à l'extérieur des bureaux de vote;

A la société civile

  • Poursuivre les actions citoyennes pour permettre à la société de s'informer et  d'apporter sa contribution en soutenant les institutions électorales;

Aux Partis politiques et aux candidats

  • Respecter les résultats des urnes et en cas de contentieux, privilégier le recours par des voies légales;

• Renforcer la capacité de leurs délégués ainsi que de leurs militants


Fait à Ouagadougou, le 1 Décembre 2015

Pour la Mission,

Son Excellence Jean-Omer Beriziky

Chef de Mission