En Centrafrique, les civils espèrent sortir d’une « prison à ciel ouvert »

Un groupe de la communauté musulmane déplacée au séminaire catholique de Bangassou, en République centrafricaine, écoute le Secrétaire général de l’ONU en visite. Photo: Alban Mendes de Leon

Dans un pays miné par les violences des groupes armés, les Centrafricains aspirent à un quotidien normal de sécurité. Sur place, l’ONU s’efforce à redonner espoir aux civils, à reconstruire la cohésion sociale et à raviver la flamme du vivre ensemble.

A 14 ans, Dana Fatima Mohammed a vu sa scolarité s’interrompre brutalement le 13 mai 2017. Comme les autres habitants de Tokoyo, elle a été réveillée au petit matin par des détonations d’armes dans ce quartier de la ville de Bangassou. Fuyant les violences, Fatima a trouvé refuge à l’hôpital de la mosquée. Trois jours plus tard elle a dû rejoindre le séminaire catholique.

Les civils payent le prix fort de la crise qui secoue la République centrafricaine (RCA) depuis plusieurs années. Dans un pays où l’autorité de l’Etat est absente sur les trois quarts du territoire, les groupes armés poursuivent leurs exactions et la population centrafricaine en est la première victime.

Fin octobre, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, s’est rendu en RCA pour marquer la solidarité de l’ONU avec le peuple centrafricain et le travail des Casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations Unies en RCA (MINUSCA). Lors de sa visite, le Secrétaire général est allé à la rencontre de plusieurs acteurs politiques et sociaux du pays.

Choisie comme représentante de sa communauté, Fatima a expliqué à M. Guterres la dure réalité de son quotidien. « Cela fait déjà plus de six mois que notre communauté est en train d’être décimée, sans aucun prétexte, par des criminels considérés par certains de nos compatriotes comme des [groupes] d’autodéfense et des libérateurs avec comme base arrière Bangassou pour déstabiliser toute la région ce qui explique aujourd’hui la disparition de la cohésion sociale », a rapporté l’adolescente au chef de l’ONU.

Choisie par sa communauté, Dana Fatima Mohammed, 14 ans, s’adresse à António Guterres en lisant les doleances des déplacés de Bangassou. Photo: Alban Mendes de Leon

Des violences qui entrainent des déplacements prolongés

Najat Rochdi est Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général pour la RCA. Ses responsabilités comprennent les affaires civiles, la justice et restauration de l’autorité de l’Etat. Pour celle qui occupe également les fonctions de Coordinatrice humanitaire et Coordinatrice résidente des Nations Unies, les conditions d’un retour à une vie normale sont encore loin d’être réunies.

Située dans le sud-est de la RCA, Bangassou est l’un des principaux foyers de violences du pays. Suites aux attaques des derniers mois, les personnes ont pris la fuite et des divisions sont apparues entre les communautés.

« Nous avons beaucoup de problèmes », témoigne Djibril Alidou. L’homme, la quarantaine, parle avec assurance. Musulman, il vit avec près de 2000 autres membres de sa communauté au petit séminaire. « Depuis deux mois, c’est devenu très difficile de trouver de quoi manger », dit celui qui fut auparavant boucher mais est aujourd’hui sans emploi. « Nous sommes bloqués. Nous sommes dans une prison à ciel ouvert ».

A quelques centaines de mètres, Golo Jean-Remy un autre déplacé, chrétien, fait part de ses craintes, notamment celles nourries par l’existence de réfugiés musulmans qu’il soupçonne d’abriter des groupes armés. « On a peur de nos frères musulmans. On a peur des groupes… Pour aller là-bas c’est critique. Il n’y a pas de sécurité là-bas. Il est vrai qu’ils sont déplacés parce qu’ils sont menacés ».

« Les musulmans d’un côté, les chrétiens de l’autre »

La Centrafrique est traversée par des divisions communautaires sur fonds de tension ethniques et religieuses. Face à ces divisions, l’ONU cherche à accompagner les différentes communautés vers un dialogue pour la paix.

Dans la capitale centrafricaine, Bangui, les communautés se regardent également en chien de faïence. Musulmans et chrétiens se rejettent la responsabilité des violences et critiquent parfois la MINUSCA de ne pas faire assez.

Déployée depuis avril 2014, la Mission de maintien de la paix s’efforce d’œuvrer quotidien en faveur des civils centrafricains en commençant la sécurité. La Force et la Police de MINUSCA déploient notamment des patrouilles et des gardes statiques. Elles escortent également des convois, notamment humanitaires, et des opérations vers certaines localités du pays.

Recréer le lien entre les différentes communautés

En Centrafrique, les agents de liaison communautaire font le lien entre les communautés et la Force de la MINUSCA qui a mis en place un réseau d’alerte précoce.

La Mission a également lancé des ‘projets a impact rapide’ afin de permettre de créer des emplois. En réhabilitant et construisant des structures locales telles que des mairies, des marchés, et des terrains de sport, la Mission espère réunir les différentes communautés.

L’ONU essaye à travers différentes activités de raviver le vivre ensemble et la cohésion sociale dans la capitale centrafricaine. En témoigne, la signature d’un accord entre les quartiers de PK5 et de Boeing permettant la réouverture du cimetière musulman de Boeing et d’appuyer le retour des déplacés des quartiers Fatima et Boeing.

La moitié de la population a moins de 18 ans

Lors de son déplacement en Centrafrique, M. Guterres a tenu à rencontrer les étudiants. Le chef de l’ONU les a appelés à résister aux manipulations politiques afin qu’ils contribuent à la reconstruction de la RCA où tout reste à faire.

Les femmes aussi sont représentées à cette réunion, qui s’est tenue à l’Ecole nationale des arts et qui a donné lieu à une discussion franche avec les jeunes femmes et hommes qui tentent de prendre leur destin en main.

Dans un pays où la moitié de la population a moins de 18 ans, les jeunes représentent le dernier espoir d’un avenir en paix.

Le 15 novembre, le Conseil de sécurité a prorogé d’un an le mandat de la MINUSCA et a autorisé le déploiement de 900 militaires supplémentaires.

Centre d'Actualités de l'ONU